Le fétichiste
de Michel Tournier

Un acte pour un homme seul

Un homme parle seul, comme nous tous de temps en temps, mais nous n’aimons guère être pris sur le fait. Un homme s’éprend des sous-vêtements, comme nous parfois, léchant la vitrine d’un magasin de confection ou regardant certaines pages d’un catalogue de vente par correspondance.

Il aime Antoinette en sous-vêtements. Il aime les sous-vêtements portés par Antoinette. Il aime plus les sous-vêtements qu’Antoinette. Nous rencontrons ce genre d’individu au restaurant, dans la rue, dans les transports publics, partout. Sa femme partie, il a parfois besoin de nous prendre à témoin, il a besoin de se confier, de se montrer, d’être écouté. Il est celui que l’on croise tous les jours et qui parle seul.

Pour une fois, arrêtons nous et écoutons-le.

« Jouer Le Fétichiste c’est travailler la limite entre le normal et le cinglé, entre le costume convenu et les dessous cachés. Monsieur Martin est touchant, fragile et troublant. Il est comme votre cousin, celui qui est un peu bizarre. Une histoire simple en apparence comme un costume croisé. Un texte raffiné aussi comme de la belle lingerie. Sous le costume, les falbalas».

Denis Bernet-Rollande

Le Fétichiste pourrait se jouer dans une salle d’attente d’administration défraîchie, dans un grand couloir de caserne ou de pensionnat. L’éclairage local, néons ou ampoules, conviendrait et les spectateurs seraient assis sur des chaises ou des bancs. Si nous en faisions une version filmée, l’histoire se situerait dans une station de métro. Elle partie, il est devenu un rôdeur, un chasseur de sous-vêtements. Le public serait de l’autre côté de la rame. Quelques figurants-voyageurs seraient sur son quai. Il pourrait y avoir le passage de rames.
Peut-être un joueur d’accordéon et des pochards, des appuis-fesses, un distributeur de boissons, un colleur d’affiches. Et lui sur un banc qui se raconterait…

Dans un théâtre, Le Fétichiste se joue sur un plateau nu aux murs habillés de noir. Une chaise à jardin, pareille à celle des spectateurs. Martin le fétichiste entre et s’assoit avec les spectateurs. Il commence à parler dans la lumière salle. Il parle d’abord à ses proches voisins. La lumière baisse et il passe sur le plateau ensuite. « Dans aucune de mes lettres, je n’ai osé lui dire le genre de vêtement qui m’aurait fait vraiment plaisir », « On se croit comme tout le Monde, on a l’air de rien, mais au fond on n’est pas libre on ne fait qu’obéir à son destin, moi mon destin c’est le falbala, le falbala ».

L’adresse au public est directe. Ce texte est donné en confidence à chaque spectateur.

Distribution

Texte : Michel Tournier, Éditions Gallimard
(Le manteau d’Arlequin)
Conception et jeu : Denis Bernet-Rollande
Costume : Deborah Benros
Lumières : Éric Prin

Production

(Made in Théâtre)
avec le soutien de la Ville de Grenoble
et du Conseil Général de l’Isère.

Presse

« Denis Bernet-Rollande endosse avec brio et un art de la nuance extrême les oripeaux
d'un personnage banal, un peu miteux, inquiétant dans son ardeur
et sa convoitise à satisfaire ses fantasmes bizarres.
Les effets de scène sont ajustés à la passion secrète du personnage
et quand il se débride, découvrant un poitrail voilé de noir,
c'est pour aussitôt revenir à la retenue qui le caractérise,
aux mots et aux gestes mesurés pour une démesure si élégamment interprétée.
On sourit de ce comportement à la lisière de la folie,
des codes normatifs dont se jouent assez finement les mots de Tournier
et plus subtilement encore la sensibilité du comédien.
Denis Bernet-Rollande rend avec justesse la complexité de nos désirs étriqués...»

Nadine EPRON, Le Dauphiné Libéré, 4 novembre 1999